
Le respect des normes de protection des données personnelles est devenu un impératif pour les entreprises. Face à la multiplication des cyberattaques et aux scandales liés à l’exploitation abusive des données, les autorités ont considérablement renforcé les sanctions encourues. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en Europe et le California Consumer Privacy Act (CCPA) aux États-Unis imposent désormais des amendes record en cas de manquements. Tour d’horizon des risques juridiques et financiers auxquels s’exposent les organisations qui négligent la protection des informations personnelles de leurs clients et employés.
Le cadre légal des sanctions en matière de protection des données
Le paysage réglementaire en matière de protection des données personnelles s’est considérablement durci ces dernières années. Le RGPD, entré en vigueur en 2018, a marqué un tournant en instaurant des sanctions financières dissuasives. Les autorités de contrôle nationales, comme la CNIL en France, disposent désormais d’un arsenal répressif étendu.
Le montant maximal des amendes administratives prévues par le RGPD s’élève à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise, le montant le plus élevé étant retenu. Ces sanctions peuvent être prononcées en cas de violation des principes fondamentaux du traitement des données, du non-respect des droits des personnes ou des obligations de sécurité.
Aux États-Unis, le CCPA prévoit des amendes civiles pouvant aller jusqu’à 7 500 dollars par violation intentionnelle. D’autres lois sectorielles comme le Health Insurance Portability and Accountability Act (HIPAA) dans le domaine de la santé imposent également des sanctions financières conséquentes.
Au-delà des amendes, les entreprises s’exposent à des sanctions pénales en cas de violations graves. En France, le Code pénal punit de 5 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite.
Les principaux manquements sanctionnés par les autorités
Les autorités de contrôle sanctionnent un large éventail de manquements aux règles de protection des données personnelles. Parmi les infractions les plus fréquemment relevées figurent :
- La collecte excessive de données au regard des finalités poursuivies
- L’absence de base légale pour le traitement des données
- Le non-respect du droit d’accès et de rectification des personnes concernées
- Des mesures de sécurité insuffisantes pour protéger les données
- L’absence de notification des violations de données dans les délais impartis
Le défaut de consentement valable des utilisateurs pour la collecte et l’utilisation de leurs données est régulièrement sanctionné. La CNIL a par exemple infligé une amende record de 50 millions d’euros à Google en 2019 pour manque de transparence et absence de base juridique valable pour la personnalisation de la publicité.
Les failles de sécurité ayant conduit à des fuites massives de données font l’objet d’une attention particulière des régulateurs. La compagnie aérienne British Airways s’est ainsi vu infliger une amende de 20 millions de livres par l’ICO britannique suite au piratage des données de 400 000 clients en 2018.
Le transfert de données hors de l’Union européenne sans garanties appropriées est un autre motif fréquent de sanction. Facebook a été condamné à une amende de 1,2 million d’euros par la CNIL espagnole pour avoir transmis des données personnelles à des annonceurs sans autorisation.
Le processus de contrôle et de sanction des autorités
Les autorités de contrôle disposent de larges pouvoirs d’investigation pour détecter les manquements aux règles de protection des données. Elles peuvent effectuer des contrôles sur place dans les locaux des entreprises, exiger la communication de tout document et accéder aux programmes informatiques et aux données stockées.
En France, la CNIL réalise chaque année plusieurs centaines de contrôles, sur place ou en ligne. Ces contrôles peuvent être déclenchés suite à des plaintes d’utilisateurs, des signalements de violations de données ou dans le cadre du programme annuel de la CNIL.
Lorsqu’un manquement est constaté, l’autorité de contrôle peut d’abord adresser un avertissement à l’entreprise ou une mise en demeure de se mettre en conformité dans un délai imparti. En cas de non-respect de la mise en demeure ou de violations graves, une procédure de sanction est engagée.
L’entreprise mise en cause a alors la possibilité de présenter ses observations. La formation restreinte de la CNIL, qui agit de manière indépendante, statue ensuite sur la sanction à prononcer. Les décisions de sanction peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.
Le montant de l’amende est déterminé en fonction de la gravité du manquement, de son caractère intentionnel, des mesures prises pour l’atténuer et de la situation financière de l’entreprise. La publicité de la sanction, qui peut fortement nuire à la réputation, est également décidée au cas par cas.
L’impact financier et réputationnel des sanctions
Au-delà du montant des amendes, qui peut s’avérer considérable pour les grands groupes, les sanctions en matière de protection des données ont des répercussions majeures sur l’activité et l’image des entreprises.
L’impact financier se mesure d’abord à l’aune des investissements nécessaires pour se mettre en conformité. La mise à niveau des systèmes d’information, le recrutement de personnel qualifié ou le recours à des prestataires spécialisés représentent des coûts significatifs.
Les sanctions s’accompagnent souvent d’une baisse du cours de bourse pour les sociétés cotées. Facebook a ainsi vu sa capitalisation chuter de plus de 100 milliards de dollars en une journée suite au scandale Cambridge Analytica. Les investisseurs sont de plus en plus sensibles aux risques liés à la protection des données.
L’atteinte à la réputation peut avoir des conséquences durables sur l’activité. La perte de confiance des clients peut se traduire par une baisse des ventes ou des résiliations d’abonnements. Les partenaires commerciaux peuvent également prendre leurs distances par crainte d’être associés à une entreprise négligente en matière de sécurité des données.
Les sanctions peuvent enfin entraîner la perte de marchés publics ou de certifications. Les entreprises sanctionnées font l’objet d’une surveillance accrue des autorités, ce qui peut freiner le développement de nouveaux produits ou services impliquant le traitement de données personnelles.
Vers une application plus stricte des sanctions à l’avenir ?
La tendance est clairement au renforcement des sanctions en matière de protection des données personnelles. Les autorités de contrôle, dotées de moyens accrus, intensifient leurs contrôles et n’hésitent plus à prononcer des amendes record.
En Europe, la Commission européenne pousse à une application plus harmonisée et plus stricte du RGPD entre les États membres. Les autorités nationales sont incitées à coopérer davantage et à aligner leurs pratiques en matière de sanctions.
Aux États-Unis, l’adoption de nouvelles lois sur la protection de la vie privée dans plusieurs États devrait se traduire par une multiplication des sanctions. La Federal Trade Commission (FTC) a déjà infligé des amendes de plusieurs milliards de dollars à Facebook et Google.
Face à la recrudescence des cyberattaques et des fuites de données, les régulateurs pourraient durcir encore les sanctions pour inciter les entreprises à renforcer leurs mesures de sécurité. Les manquements liés à l’intelligence artificielle et aux objets connectés font l’objet d’une vigilance accrue.
Dans ce contexte, les entreprises ont tout intérêt à adopter une approche proactive en matière de conformité. La mise en place d’un programme solide de gouvernance des données, impliquant l’ensemble des métiers, s’impose comme une nécessité pour limiter les risques de sanctions.