Fiscalité SCPI : Maîtriser les règles applicables dans un trust ou une fondation

La diversification patrimoniale via les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) suscite un intérêt grandissant chez les investisseurs français. Face à cette dynamique, l’utilisation de structures juridiques spécifiques comme les trusts ou les fondations pour détenir ces investissements immobiliers indirects soulève des questions fiscales complexes. Cette problématique se situe à la croisée du droit fiscal international, du droit des sociétés et du droit patrimonial. Les règles applicables différent significativement selon la structure choisie, le lieu de résidence fiscale des bénéficiaires, et la localisation des actifs immobiliers. Comprendre ces mécanismes devient indispensable pour optimiser fiscalement ses placements en SCPI tout en respectant le cadre légal français, particulièrement vigilant vis-à-vis des structures offshore.

Les fondamentaux de la fiscalité des SCPI en France

Avant d’examiner les spécificités liées aux trusts et fondations, il convient de rappeler le cadre fiscal général applicable aux SCPI en France. Ces sociétés, régies par les articles L214-86 à L214-120 du Code monétaire et financier, permettent aux investisseurs d’accéder indirectement au marché immobilier via l’acquisition de parts sociales.

La fiscalité des SCPI repose sur le principe de la transparence fiscale, inscrit à l’article 8 du Code général des impôts. Concrètement, les revenus générés par la SCPI sont imposés directement entre les mains des associés, proportionnellement à leur quote-part de détention, sans que la société ne soit elle-même soumise à l’impôt sur les sociétés.

Deux catégories de revenus sont principalement concernées :

  • Les revenus locatifs, imposés dans la catégorie des revenus fonciers
  • Les plus-values réalisées lors de la cession de parts, soumises au régime des plus-values immobilières

Pour un résident fiscal français, les revenus fonciers issus de SCPI sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux global de 17,2%. Quant aux plus-values, elles bénéficient d’abattements pour durée de détention conduisant à une exonération totale d’impôt sur le revenu après 22 ans et des prélèvements sociaux après 30 ans.

La détention de parts de SCPI entre dans l’assiette de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) pour les contribuables dont le patrimoine immobilier net taxable excède 1,3 million d’euros. La valeur à déclarer correspond à la valeur vénale des parts au 1er janvier de l’année d’imposition.

Particularités des SCPI fiscales

Il existe plusieurs types de SCPI bénéficiant de régimes fiscaux favorables :

Les SCPI Pinel, Malraux ou Déficit Foncier permettent aux investisseurs de bénéficier d’avantages fiscaux spécifiques en contrepartie d’engagements particuliers, notamment en termes de durée de détention ou de localisation des immeubles.

Ces dispositifs fiscaux avantageux sont généralement réservés aux personnes physiques résidentes fiscales françaises. Leur application devient problématique lorsque les parts de SCPI sont détenues via un trust ou une fondation, structures par nature distinctes des personnes physiques.

La fiscalité des SCPI détenues par des non-résidents présente des spécificités notables. Les revenus fonciers de source française sont soumis à une retenue à la source au taux minimal de 20% (pouvant être porté à 30% pour les revenus excédant certains seuils), sans préjudice de l’application des conventions fiscales internationales qui peuvent prévoir des dispositions différentes.

Les trusts et leur traitement fiscal en droit français

Le trust, institution juridique anglo-saxonne, demeure étranger au système juridique français. Néanmoins, le législateur français a dû élaborer un cadre fiscal pour appréhender cette réalité juridique utilisée par de nombreux contribuables.

La loi n°2011-900 du 29 juillet 2011 a introduit une définition fiscale du trust à l’article 792-0 bis du Code général des impôts. Il y est défini comme « l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé ».

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Le droit fiscal français distingue principalement deux types de trusts :

  • Les trusts révocables, où le constituant conserve certains pouvoirs sur les actifs placés
  • Les trusts irrévocables, où le constituant se dessaisit définitivement des biens transmis

Cette distinction est fondamentale en matière fiscale. Dans le cas d’un trust révocable, les biens sont généralement considérés comme demeurant dans le patrimoine du constituant. Pour un trust irrévocable, les conséquences fiscales dépendront de l’intention libérale ou non du constituant.

L’administration fiscale française a mis en place des obligations déclaratives spécifiques pour les trusts. L’article 1649 AB du CGI impose au trustee (administrateur du trust) de déclarer la constitution, la modification, l’extinction du trust, ainsi que la valeur des actifs placés en trust au 1er janvier de chaque année. Le non-respect de ces obligations expose à de lourdes sanctions, dont une amende pouvant atteindre 20 000 € ou, si ce montant est plus élevé, 12,5% des actifs placés en trust.

Fiscalité des revenus de SCPI détenus via un trust

Lorsque des parts de SCPI sont détenues par l’intermédiaire d’un trust, le traitement fiscal des revenus générés dépend de plusieurs facteurs, notamment la qualification du trust et la résidence fiscale des différentes parties prenantes.

Pour un trust révocable dont le constituant est résident fiscal français, les revenus fonciers générés par les SCPI seront imposés directement entre les mains du constituant, comme s’il détenait directement les parts. Le trust est alors considéré comme fiscalement transparent.

En revanche, pour un trust irrévocable, la situation est plus complexe. Si le trust est qualifié de « trust-entité » par l’administration fiscale française, il pourrait être traité comme une entité distincte. Dans ce cas, les revenus distribués aux bénéficiaires résidents français seraient susceptibles d’être imposés comme des revenus de capitaux mobiliers, et non comme des revenus fonciers, avec application de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus si applicable.

La loi de finances pour 2019 a renforcé les dispositifs anti-abus concernant les trusts. Les revenus accumulés dans un trust mais non distribués peuvent, dans certaines circonstances, être imposés entre les mains des bénéficiaires résidents français en application de l’article 123 bis du CGI, qui vise les structures établies dans des pays à fiscalité privilégiée.

Les fondations et leur régime fiscal appliqué aux SCPI

Les fondations constituent une alternative aux trusts pour la structuration patrimoniale. En droit français, une fondation est définie par l’article 18 de la loi du 23 juillet 1987 comme « l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ».

Plusieurs types de fondations coexistent dans le paysage juridique français :

  • Les fondations reconnues d’utilité publique
  • Les fondations d’entreprise
  • Les fondations sous égide (abritées par d’autres fondations)
  • Les fondations de coopération scientifique
  • Les fondations universitaires
  • Les fondations partenariales

À l’international, les fondations de droit étranger présentent des caractéristiques variables selon les juridictions. Les fondations liechtensteinoises, luxembourgeoises ou suisses sont particulièrement utilisées pour la gestion patrimoniale.

Le régime fiscal des fondations françaises reconnues d’utilité publique est favorable : exonération des impôts commerciaux (IS, CFE, CVAE) pour leurs activités non lucratives, exonération d’IFI pour les biens affectés à leurs missions, et régime de faveur en matière de droits de mutation.

Pour les fondations étrangères, la reconnaissance du statut équivalent à celui d’utilité publique en France n’est pas automatique. Elle dépend de critères stricts examinés par l’administration fiscale, incluant le caractère désintéressé de la gestion et la poursuite d’objectifs d’intérêt général.

Détention de SCPI via une fondation

La détention de parts de SCPI par une fondation française reconnue d’utilité publique n’est possible que si cette détention s’inscrit dans le cadre de la réalisation de son objet social non lucratif. Les revenus générés seraient alors exonérés d’impôt sur les sociétés, sous réserve que ces revenus soient affectés aux missions d’intérêt général de la fondation.

Pour les fondations étrangères, la situation est différente. Si la fondation est considérée comme une entité fiscalement opaque, elle sera imposée sur les revenus de source française selon les règles applicables aux personnes morales non-résidentes. Les revenus fonciers issus des SCPI seront soumis à une retenue à la source au taux de 28% (depuis 2020), sous réserve des dispositions des conventions fiscales internationales.

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L’administration fiscale française porte une attention particulière aux fondations étrangères utilisées comme véhicules de détention patrimoniale. Si la fondation est considérée comme une entité artificielle servant principalement à éluder l’impôt en France, plusieurs dispositifs anti-abus peuvent être mis en œuvre :

L’article 123 bis du CGI permet d’imposer entre les mains d’un résident français les revenus d’une entité établie dans un État à fiscalité privilégiée dont il détient plus de 10% des droits.

La théorie de l’abus de droit fiscal (article L64 du Livre des procédures fiscales) peut être invoquée si la fondation est considérée comme fictive ou ayant un but exclusivement fiscal.

Comparaison des régimes fiscaux : Trust vs Fondation pour la détention de SCPI

Le choix entre un trust et une fondation pour détenir des parts de SCPI dépend de nombreux facteurs, tant juridiques que fiscaux. Une analyse comparative permet d’identifier les avantages et inconvénients respectifs de ces structures.

En matière de transparence fiscale, le trust présente une flexibilité que ne possède généralement pas la fondation. Un trust révocable sera considéré comme transparent fiscalement, permettant ainsi aux revenus des SCPI de conserver leur nature de revenus fonciers chez le constituant ou les bénéficiaires. Cette caractéristique peut être avantageuse pour bénéficier des régimes d’abattements spécifiques aux revenus fonciers.

Concernant la protection des actifs, les fondations, particulièrement celles établies dans certaines juridictions comme le Liechtenstein, offrent généralement une séparation patrimoniale plus nette que les trusts. Les créanciers personnels du fondateur auront plus de difficultés à atteindre les actifs placés en fondation, notamment les parts de SCPI, ce qui peut constituer un avantage significatif dans une stratégie de protection patrimoniale.

L’impôt sur la fortune immobilière constitue un point de comparaison majeur. Les parts de SCPI détenues via un trust révocable sont généralement incluses dans l’assiette de l’IFI du constituant résident fiscal français. Pour un trust irrévocable, la situation dépend de l’existence ou non de bénéficiaires identifiés. En l’absence de bénéficiaires, le constituant reste redevable de l’IFI.

Pour une fondation, si celle-ci est reconnue comme une entité distincte et autonome par l’administration fiscale française, les parts de SCPI pourraient échapper à l’IFI du fondateur. Toutefois, cette situation est susceptible d’être remise en cause si la fondation est considérée comme une structure artificielle.

Aspects successoraux et transmission

En matière de transmission, trusts et fondations présentent des caractéristiques distinctes. Un trust irrévocable avec transfert de propriété effectif peut permettre, sous certaines conditions, de sortir les parts de SCPI de la succession du constituant. Cependant, l’administration fiscale française considère généralement que les actifs en trust demeurent dans le patrimoine successoral du constituant pour l’application des droits de mutation à titre gratuit.

Les fondations étrangères peuvent offrir une solution plus pérenne pour la transmission patrimoniale, avec la possibilité d’organiser une dévolution sur plusieurs générations. Néanmoins, la loi française prévoit des mécanismes anti-abus spécifiques, notamment l’article 750 ter du CGI qui permet d’imposer aux droits de succession les biens transmis à des entités juridiques étrangères lorsque le défunt ou les bénéficiaires sont domiciliés en France.

Le contrôle fiscal constitue un aspect non négligeable. Depuis la loi du 29 juillet 2011, les trusts sont soumis à des obligations déclaratives strictes en France. Le défaut de déclaration expose à des sanctions sévères. Les fondations étrangères sont également soumises à un devoir de transparence, renforcé par les échanges automatiques d’informations entre administrations fiscales.

Stratégies d’optimisation et points de vigilance pour les investisseurs

Face à la complexité des régimes fiscaux applicables aux SCPI détenues via des trusts ou des fondations, plusieurs stratégies peuvent être envisagées par les investisseurs, tout en respectant scrupuleusement la législation en vigueur.

La localisation géographique du trust ou de la fondation joue un rôle déterminant. Le choix d’une juridiction ayant conclu une convention fiscale favorable avec la France peut permettre de bénéficier de dispositions avantageuses en matière d’imposition des revenus fonciers ou de plus-values immobilières. Les territoires comme le Luxembourg, la Suisse ou Singapour offrent un cadre juridique stable et des conventions fiscales élaborées avec la France.

La structuration patrimoniale doit être pensée globalement. Dans certains cas, l’interposition d’une société civile française entre les SCPI et le trust ou la fondation peut présenter des avantages, notamment en termes de gestion et de flexibilité. Cette structure intermédiaire permet parfois de sécuriser le traitement fiscal des revenus et d’optimiser la transmission patrimoniale.

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Pour les résidents fiscaux français, l’anticipation des conséquences fiscales d’un départ à l’étranger est primordiale. La détention de SCPI via un trust ou une fondation peut avoir des implications différentes selon le pays de résidence future et les conventions fiscales applicables. Une planification adéquate permet d’éviter les situations de double imposition ou les requalifications fiscales préjudiciables.

Risques juridiques et fiscaux à anticiper

Plusieurs risques doivent être anticipés par les investisseurs optant pour ces structures complexes :

  • Le risque de requalification fiscale des structures utilisées
  • L’application des dispositifs anti-abus nationaux et internationaux
  • Les obligations déclaratives spécifiques et sanctions associées
  • Les évolutions législatives potentielles, particulièrement dans un contexte de lutte contre l’évasion fiscale

L’échange automatique d’informations entre administrations fiscales, institué par la norme commune de déclaration (CRS) de l’OCDE, a considérablement réduit l’opacité des structures internationales. Les trustées et administrateurs de fondations sont désormais tenus de communiquer aux autorités fiscales les informations relatives aux constituants et bénéficiaires résidents d’autres États.

La jurisprudence en matière de trusts et fondations détenant des actifs immobiliers français, dont des SCPI, est en constante évolution. Des décisions récentes du Conseil d’État et de la Cour de cassation ont précisé les contours de l’appréhension fiscale de ces structures par le droit français. Il est donc indispensable de suivre ces évolutions pour adapter sa stratégie patrimoniale.

Le recours à des professionnels spécialisés (avocats fiscalistes, notaires internationaux, conseillers en gestion de patrimoine) s’avère indispensable pour naviguer dans ce domaine complexe. Une approche pluridisciplinaire permet d’appréhender l’ensemble des dimensions juridiques, fiscales et patrimoniales liées à la détention de SCPI via des trusts ou fondations.

Perspectives d’évolution et adaptation aux changements réglementaires

Le cadre juridique et fiscal applicable aux SCPI détenues via des trusts ou des fondations n’est pas figé. Il évolue régulièrement sous l’influence de plusieurs facteurs qu’il convient d’anticiper pour adapter sa stratégie patrimoniale.

La coopération fiscale internationale s’est considérablement renforcée ces dernières années, notamment sous l’impulsion de l’OCDE et de l’Union européenne. Le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) et la directive DAC 6 sur les dispositifs transfrontières ont accru la transparence et limité les possibilités d’optimisation fiscale agressive. Cette tendance devrait se poursuivre, avec un impact direct sur les structures de détention internationales comme les trusts et fondations.

Les conventions fiscales bilatérales font l’objet de renégociations régulières. La France a engagé une politique de révision de ses conventions pour y intégrer des clauses anti-abus plus strictes. Ces modifications peuvent affecter significativement la fiscalité des revenus immobiliers perçus par des trusts ou fondations étrangers, rendant nécessaire une veille juridique constante.

Au niveau européen, l’harmonisation fiscale progresse, bien que lentement. Des initiatives comme la proposition d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) pourraient, à terme, modifier le traitement fiscal des entités détenant des actifs immobiliers dans plusieurs États membres, y compris des parts de SCPI.

Adaptation des stratégies patrimoniales

Face à ces évolutions, plusieurs approches peuvent être adoptées par les investisseurs :

La diversification géographique des investissements en SCPI peut constituer une réponse adaptée aux incertitudes réglementaires. Les SCPI européennes, investissant dans différents pays de l’Union, offrent une exposition à des marchés variés et peuvent bénéficier de régimes fiscaux différents selon les conventions applicables.

L’adoption d’une approche modulaire dans la structuration patrimoniale permet de s’adapter plus facilement aux évolutions législatives. Plutôt que de concentrer tous ses actifs dans une structure unique, la répartition entre différents véhicules (trust, fondation, société civile) offre davantage de flexibilité.

La régularisation préventive des situations potentiellement litigieuses est souvent préférable à l’attente d’un contrôle fiscal. L’administration française propose périodiquement des dispositifs de régularisation qui peuvent présenter un intérêt pour les détenteurs de structures complexes souhaitant sécuriser leur situation.

La digitalisation des services fiscaux et l’utilisation de technologies comme la blockchain pour le suivi des transactions immobilières vont probablement transformer le paysage de la fiscalité internationale. Ces innovations technologiques pourraient offrir de nouvelles opportunités pour structurer la détention de SCPI, tout en renforçant les capacités de contrôle des administrations.

Les considérations environnementales et sociales prennent une place croissante dans la réglementation immobilière. Les SCPI investissant dans des actifs répondant aux critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) pourraient bénéficier à l’avenir de traitements fiscaux préférentiels, y compris lorsqu’elles sont détenues via des structures comme les trusts ou fondations.

En définitive, la détention de SCPI via des trusts ou des fondations nécessite une approche dynamique, capable d’anticiper et de s’adapter aux évolutions d’un cadre réglementaire et fiscal en constante mutation. Cette flexibilité, couplée à une expertise juridique solide, demeure la clé d’une stratégie patrimoniale pérenne et conforme.